A quoi servent les élections?

C’est une question qui est beaucoup posée au Maroc. Par les officiels comme par l’opinion publique. Au lendemain d’élections législatives qui ont vu les deux tiers des inscrits bouder le scrutin, c’est une question légitime.
Mais cette question ne se pose pas seulement au Maroc.
Voilà ce que dit P. Rosanvallon dans son dernier livre, « La contre-démocratie », en parlant de la relativisation et la désacralisation du sens de l’élection:



Dans la théorie classique du gouvernement représentatif, comme dans la pratique, les électeurs avaient pour fonction de légitimer les gouvernants, ces derniers se voyant ensuite reconnaître une capacité d’action autonome très large. Ce n’est plus vraiment le cas.

Pour une raison majeure : le mandat électoral s’inscrit dorénavant dans un univers qui est politiquement moins « prévisible », c’est-à-dire qui n’est plus structuré par des organisations disciplinées, aux programmes bien définis, inscrits dans un champ de clivages clairement dessinés.

Il en résulte une distinction beaucoup plus prononcée que par le passé entre légitimité des gouvernants et légitimité de leurs actions. Alors que l’élection liait autrefois les deux dimensions, elle a aujourd’hui une portée plus restreinte. On peut dire que l’élection n’est désormais plus qu’un simple mode de désignation des gouvernants. La légitimité des politiques qu’ils mènent est, quant à elle, mise à l’épreuve en permanence, elle doit être conquise jour après jour, au cas par cas.

D’où là aussi la place croissante qui est faite à une légitimité d’ordre substantiel : le service du bien commun et le respect des valeurs fondatrices du lien social ne sont plus censés dériver du seul fait de l’élection. C’est à combler l’écart entre les deux légitimités que s’emploient les pouvoirs de surveillance que nous avons étudiés.