La sécheresse de nos Imams

L’enterrement est souvent l’occasion du recueillement, du repentir, du souvenir. Parfois aussi de l’auto flagellation de la part de ceux qui s’en veulent d’avoir commis des actes qu’ils savent incorrects, ou d’avoir eu un différend avec le défunt.
Le moment, fugace, pour certains de se remettre en cause, de constater que, quel que soit l’acharnement que l’on mette à profiter de la vie, la fin est la même pour tous.

Mais c’est aussi le moment de constater la prégnance des usages, des coutumes, des traditions…C’est en particulier l’occasion de placer une foule de personnes entre les mains d’un imam désigné pour faire l’apologie du défunt. Et c’est ainsi que pendant de longues minutes, l’imam de service dispose de la parole à sa guise. Il est en droit de dire ce qu’il veut, il choisit ses citations du Coran et du Hadith comme bon lui semble. Il est le maître devant un auditoire discipliné, ému et craintif devant ce trou destiné à recueillir une dépouille.

Qui n’a pas eu à subir ce genre de situation où l’on doit s’abandonner au prêche improvisé, parsemé de paroles noires : le feu, l’enfer, Satan, la douleur, le sang, la torture physique, la punition morale, le châtiment…Un prêche de culpabilisation individuelle mais aussi collective : « Si vous ne remplissez pas les mosquées, vous irez en enfer…En attendant, vous vivrez mal sur terre… Pourquoi pensez-vous qu’il pleuve moins de nos jours ? »…

En écoutant ce genre de discours, repris certainement à peu près tel quel depuis des siècles sans avoir réussi à semer le moindre grain de changement dans nos sociétés, je me suis mis à rêver d’imams qui auraient un autre look, un autre discours, un autre comportement. Pourquoi pas un imam par exemple qui parlerait trois autres langues que l’arabe classique, qui aurait lu Montesquieu et apprécierait même la poésie de Baudelaire ou le théâtre de Shakespeare. Un imam qui écoute sa musique préférée sur son iPod, dispose de boîtes de messagerie électronique et qui pourrait même tenir un blog pour mieux communiquer avec ses concitoyens et mieux s’informer…Un imam qui apprécie le burger et le sushi autant qu’il raffole du couscous… Un imam qui prendrait soin de son hygiène et de son corps en s’abonnant à un club de gym…Qui saurait que la baisse des précipitations est en relation avec les émissions de Gaz à effet de serre…

En quoi est-ce que cela nuirait à ses convictions ou remettrait en cause sa foi ? En quoi est-ce que l’Islam serait dérangé s’il était défendu par des Fquih en phase avec la vie contemporaine ?

La foule se disperse. L’imam rentre chez lui, la conscience tranquille. Les brebis retournent à leurs occupations habituelles, le sermon déjà oublié, dans un climat de sécheresse impitoyable!