Article publié dans la Vie Eco de la semaine du 6 mars 2009
En ces temps de crise globale, il est indispensable d’examiner ses points forts et ses faiblesses, mais il faut aussi rester à l’écoute de ce qui se passe dans le monde, et scruter d’un œil attentif les tendances d’avenir de l’économie mondiale. En particulier, les orientations américaines en matière d’énergie donnent le ton et devraient intéresser les responsables marocains.
Avec la signature mardi 17 février par Obama du plan de redressement économique, voté par les deux chambres du Parlement, près de 800 milliards de dollars seront injectés dans l’économie américaine. Dans ce plan, 71 milliards de dollars seront consacrés à des programmes d’énergies propres, plus de trois fois les dépenses actuelles, ainsi que 20 milliards de dollars d’incitations fiscales en faveur de ces mêmes énergies. Comme il est admis que tout investissement de 1 milliard de dollars dans les énergies propres crée près de 5000 emplois de plus que les dépenses d’infrastructure traditionnelle, il est clair que cette composante du plan aura des conséquences positives sur l’emploi. Et déjà, d’après les chiffres du Global Wind Energy Council, à fin 2008, les Etats-Unis ont pris la tête des pays producteurs d’énergie éolienne, avec 25 GW installés (20,8% de la puissance globale), suivis de l’Allemagne (19,8%), la Chine occupant le 4ème rang avec 10%.
La dimension verte du plan de redressement américain vient consolider les autres décisions prises par le nouveau président, comme la désignation de personnalités reconnues pour leurs compétences et aussi pour leur militantisme écologique à l’image du secrétaire à l’énergie Steven Chu prix Nobel de physique et champion de la lutte contre le changement climatique. En matière diplomatique, également, les entretiens de Mme Clinton avec les responsables chinois ont été dominés par la question climatique et la nécessaire limitation des émissions globales des gaz à effet de serre.
A ce titre, le budget 2010 présenté par le président Obama enregistre une avancée significative puisque 645 milliards de dollars de revenus y sont prévus en provenance de la vente des quotas d’émission, selon le même système que celui établi par le protocole de Kyoto.
Cette dynamique se trouve confortée par l’engouement pour les technologies propres de la part du Capital Risque, largement considéré comme un indicateur avancé de l’ensemble des modèles d’investissement. En effet, les résultats préliminaires de 2008 pour les technologies propres en Amérique du Nord, Europe, Chine et Inde, ont atteint un record de 8,4 milliards de dollars, en hausse de 38% par rapport aux 6,1 milliards de dollars de 2007. L’année 2008 représente ainsi la septième année consécutive de croissance, en investissement de Capital Risque dans ce secteur prometteur.
Energies nouvelles, technologies vertes, voitures propres, ce sont les pistes les plus empruntées par les investisseurs de par le monde, faisant converger le souci capitalistique avec l’impératif environnemental pour la sortie de la crise.
Les plans d’aide et de restructuration économique marocains ne devraient pas ignorer ces tendances. C’est ainsi que, par exemple, la plateforme industrielle lancée récemment dans le Nord aurait pu intégrer la dimension verte dès sa conception. Surtout que, comme chacun sait, en matière d’énergies nouvelles, la Région Nord du Maroc est dotée d’un vent d’une vitesse dépassant les seuils de rentabilité rapide pour les champs éoliens (10 m/seconde en moyenne face au besoin minimum de 4 m/seconde pour commencer à produire de l’électricité). Cette région a abrité dès 2000 son premier parc éolien de Koudia Al-Baïda avec une puissance de 50,4 MW. Elle a ensuite accueilli le parc de 10 MW qui a permis au cimentier Lafarge d’entrer dans le cercle des entreprises mondiales bénéficiant du Mécanisme de développement propre du Protocole de Kyoto. Et si les prévisions sont respectées, un troisième parc éolien, promu par l’ONE et construit par l’espagnol Gamesa, viendra s’ajouter aux précédents en 2009 avec une production de 140 MW. Par comparaison, en face de Tanger, la région d’Andalousie en est déjà à 1500 MW d’éolien.
Compte tenu des avancées technologiques, il aurait été si judicieux d’annoncer, en même temps que la mise en chantier de la plateforme industrielle, son approvisionnement exclusif par l’énergie renouvelable avec un objectif chiffré bien précis. Cet engagement aurait fait de cette plateforme une zone libérée de la dépendance aux énergies fossiles, et des conséquences de toute éventuelle et fort probable crise pétrolière à venir. A un moment où la communauté internationale se mobilise pour lutter contre le changement climatique en réduisant les émissions de CO2, et compte tenu des revenus financiers qui découleraient de la vente des crédits carbone issus de ce projet, l’annonce aurait été profitable à plusieurs titres.
Dans le même esprit d’une croissance économique verte, qui en même temps réduirait notre facture d’importation de produits pétroliers, les pouvoirs publics marocains devraient s’inspirer des mesures prises dans d’autres pays dans le secteur immobilier qui absorbe 30% de la demande en énergie. Tous les programmes de construction de logements, lancés par le public comme par le privé, devraient être soumis à l’obligation d’intégrer les chauffe-eau solaires, par exemple. Sans parler d’Israël où l’obtention du permis d’habiter est assujettie à l’installation de chauffe-eau solaire, en Tunisie des programmes spécifiques d’incitation ont permis d’atteindre une couverture dans ce domaine bien plus importante que celle de notre pays.
Pour être dans le train qui sortira le monde de la crise actuelle, le Maroc serait bien inspiré d’anticiper les changements volontaristes qui s’imposent. Le secteur de l’énergie est tout indiqué pour cela.