Ahmed, 15 ans, est chétif et timide. Timide jusqu’à la fragilité. Le jour de la rentrée scolaire de cette année, il s’est réveillé le matin comme tous les élèves mais il ne voulait pas aller au collège comme les autres élèves.
Le père d’Ahmed est gravement malade, d’une maladie incurable et la mère d’Ahmed travaille toute la journée pour compléter la pension de retraité de son mari et pour subvenir aux besoins de la famille.
Ce matin de rentrée, la mère ne comprenait pas l’attitude de son fils. Elle tient à ce qu’il y aille et insiste pour l’accompagner. Ahmed se résigne. Et c’est là que la mère apprend l’histoire de son fils Ahmed avec son collège.
Au collège d’Ahmed, dans la banlieue de Rabat, le directeur tient à appliquer à la lettre la prescription faite aux établissements scolaires d’exiger des élèves de porter l’uniforme.
Au Maroc, la Charte de l’éducation et de la formation, obtenu avec le consensus de tous les acteurs politiques et sociaux, a érigé les principes fondateurs d’équité et d’égalité dans le système scolaire. Egalité des chances mais aussi dans les conditions de travail des élèves au sein de leur établissement. D’où l’idée de l’uniforme. A l’image d’autres pays. Quiconque se promène dans les rues d’Angleterre ou d’Espagne, par exemple, ne pourra que remarquer les petits chérubins anglais ou espagnols tous vêtus de la même manière.
Dans le collège d’Ahmed, l’uniforme exigé consiste en un gilet, un pantalon et une cravate noirs, et une chemise blanche. Pour tous les élèves…
Ahmed disposait bien de son uniforme. Mais l’an dernier, dans le courant du premier trimestre, il s’était présenté à son école sans son gilet. Il a donc enfreint les prescriptions de la charte et les règlements qui en découlent dans son collège.
Le directeur de l’établissement est intraitable. Pour lui, et d’après les consignes, tout élève qui se présente sans l’uniforme ne peut être accepté en classe. Et il ne peut admis de nouveau que si le père ou la mère de l’élève se présentent et expliquent les raisons de ce manquement.
Le père d’Ahmed est malade. Et sa maman travaille toute la journée. Ahmed est timide et ne veut déranger personne. Alors Ahmed ne parle pas de son problème. Il ne dit pas qu’il est interdit de collège tant que ses parents ne seront pas allés expliquer pourquoi leur fils s’est abstenu une fois de mettre son gilet.
Il se tait et s’enferme dans son secret. Sa tentative de retrouver le collège ne rencontre que le refus catégorique de l’administration qui attend l’arrivée des parents. Les parents ne se manifestent pas, Ahmed ne peut aller en classe….
Pendant deux trimestres, silencieusement, consciemment, Ahmed fait l’école buissonnière. Tous les matins, il se lève comme tous les élèves, prend son cartable, met son uniforme et fait semblant de partir vers son collège. Mais il allait ailleurs. Il tuait le temps jusqu’à l’heure de sortie des cours et rentrait chez lui. Il lui arrivait même de prendre des cours particuliers, payés par sa maman…Il faisait tout pour donner l’assurance à ses parents que tout se passait bien, que leur fils était scolarisé comme les autres enfants.
Jusqu’au jour de la rentrée de cette année. Ahmed se laisse accompagner pas sa mère au collège. Il ne supportait plus de jouer la comédie de l’an passé. Le secret devenait trop lourd pour lui.
Le directeur, intraitable, applique le règlement. Il explique. Ahmed, absent pendant deux trimestres, a été radié des listes du collège. La maman s’effondre. Ne comprend pas. Ou plutôt si, elle comprend. A quinze ans, son fils devra faire autre chose que de suivre une scolarité normale. Parce qu’un jour il a oublié de mettre son gilet et parce qu’il n’a pas osé en informer ses parents. Parce que son père, qui est malade, et sa mère, qui travaille toute la journée, ne s’étaient pas manifestés pour expliquer le comportement de leur fils…
Cette histoire vraie ne s’est pas terminée comme ça. Heureusement. Après plusieurs interventions, le petit Ahmed a été réadmis dans son collège et a pu redoubler sa classe.