Dans le hall imposant de Bank Al Maghrib, silence et respect régnent. Il faut dire que l’architecture moderne et la décoration sombre des lieux n’invitent guère à la dissipation. Des affichettes, nombreuses sont collées aux murs pour signifier l’interdiction, appremment stricte et respectée d’utiliser les téléphones portables.
Peu de clients, mais beaucoup d’employés s’agitent. Les hommes sont impeccablement cravatés et les femmes, toutes sans exception, fermement voilées. Un étranger pénètre dans le hall et cherche le guichet du change. Il consulte le tableau des taux et, renseignement pris, il décide de quitter. Tout d’un coup, une voix s’élève et rompt le silence ambiant. Une phrase lapidaire est prononcée par un des guichetiers, impeccablement cravaté. Il s’adressait sous forme interrogative à l’agent près duquel passait l’étranger: « Chouf maa dak el gaouri ila endou chi bent n’tnasbou maah! »…
C’est quoi ça? Plaisanterie? Moquerie? Ironie? Ennui? Rébellion? Recherche désespérée? Une habitude? Une exception?
En tout cas, le temps d’une seconde, une agence de la vénérable Bank Al Maghrib s’est transformée en asile.
Personne ne réagit, bien entendu. L’interpellation n’aura pas de suite. On ne saura pas si l’étranger a une fille à marier. On ne saura pas non plus si le guichetier recommencera sa quête dès l’apparition d’un nouveau client étranger dans le hall de Bank Al Maghrib.
Cette scène, réelle, fait partie des scènes qui illustrent le Maroc des contradictions d’aujourd’hui. Ce Maroc où le strict cohabite avec l’insensé, le moderne avec l’attardé, l’efficient avec le roublard…
Mais le Maroc c’est aussi le pays des larmes versées sur des visages déçues par un départ, le regard plein de reconnaissance…
Ce Maroc reconnaîtra les siens.