Nous l’appelerons Kiya. Une femme robuste et plutôt entêtée. Elle habite dans une agglomération anarchique dans la périphérie d’une grande ville. Elle vit avec sa mère depuis qu’elle est entrée en négociation de divorce d’avec son mari. Sa mère lui garde sa fille lorsqu’elle travaille à faire le ménage pour s’assurer quelques revenus depuis qu’elle a quitté son mari. En contrepratie, elle reverse une part de ces revenus à sa mère et lui fait même quelques gentillesses supplémentaires, du genre lui tailler une djellaba. Mais la mère demande toujours plus. Elle profite à fond de la situation de sa fille. Les temps sont ainsi. Ils ne sont plus comme ils étaient dans le passé. Il faut s’accommoder.
L’histoire de Kiya est toute simple et de plus en plus courante dans les milieux défavorisés. Elle a épousé un homme, sans savoir vraiment pourquoi. Ce n’était ni un mariage d’amour ni un mariage de raison. C’est plutôt la mise ensemble de deux personnes de sexe opposé pour faire comme tout le monde. Parce qu’il n’est pas bon rester seul. Parce que les deux familles respectives s’acquittent ainsi d’une mission naturelle. Dans ce couple, il n’y a ni respect, ni estime, ni partage, ni vie commune. Chacun se débrouille le jour et le soir, dans l’exiguité et sans vraiment de confiance, des contacts intimes peuvent se produire. Dans une de ces nuits de soumission, l’enfant de Kiya a été conçu.
Mais avoir un enfant ne renforce pas vraiment les liens du couple. Le père ne se sent obligé par aucun devoir. L’enfant est d’abord le travail de la mère qui doit subvenir à tous les besoins. Le mari de Kiya avait bien un travail. Mais il n’en parlait jamais. Il avait bien un salaire. Mais Kiya n’avait pas le droit d’en connaître le montant. Il avait de l’argent mais Kiya ne savait pas en quoi le dépensait-il. De temps à autre, il lui laissait dans la chambre, quelques billets. Dans ce couple on ne parlait pas. On agissait par gestes convenus. Kiya récupérait les billets, faisaient quelques courses et parvenait à subvenir aux besoins de l’enfant. Il en a été ainsi durant quelques semaines. Jusqu’au jour où le mari a décidé de ne plus rien donner. Il rentrait de plus en plus tard. Il sentait l’alcool. Il parlait encore moins. La situation devenait intenable pour Kiya. Elle ne vivait, avec son enfant, que grâce à ce qu’elle pouvait obtenir des voisins ou des quelques connaissances qu’elle avait dans cette agglomération où la pauvreté était courante. Elle a décidé d’en parler avec son mari qui consent à lui répondre. Il ne percevait plus de salaire. Son employeur, dit-il, refusait de payer ses salariés. Il n’avait donc plus rien à lui donner. Kiya accepta son sort et fit de son mieux pour subvenir à ses besoins et à ceux de son enfant.
Un soir, rentrant de chez une de ses connaissances, elle aperçoit dans la pénombre, dans une voiture, son mari en compagnie d’une femme, des cannettes de bière à la main. Elle n’y pense pas à deux fois. Elle s’abaisse ramasser un tas de cailloux, s’approche de la voiture du coupable. Kiya n’écoute que sa rage et son désespoir et se met à lapider Satan. Les cailloux fusent au milieu des insultes que puisait Kiya dans son répertoire assez fourni. Des passants interviennent assez rapidement avant que l’irréparable ne fut commis. Le mari et sa campagne s’en sortent bien avec seulement quelques égratignures sur le visage.
Kiya rentre chez elle, prend le peu de bagages qu’elle possédait, passe récupérer son enfant confié à une voisine et part chez sa mère. Depuis ce soir là, Kiya fait des ménages, reverse une part de ses revenus à sa mère qui lui garde son enfant et passe tout le temps qu’elle peut voler dans les couloirs du tribunal à la recherche de la justice.