Enseignements d’une crise

Dans un précédent billet intitulé « négociations pour un gouvernement : l’USFP joue gros », je finissais mon raisonnement par une question : Placer sa personne ou sauver son parti, quel choix prévaudra chez les leaders ?

Le mauvais choix a été fait et la crise s’installe.
Si aujourd’hui un scrutin libre et transparent est organisé parmi les membres de l’USFP pour élire une nouvelle direction, les résultats seront sans aucun doute en faveur de ceux qui ont verrouillé les appareils et nuit à toute capacité d’attraction de ce parti vis-à-vis de la réussite et de la compétence. Et ceci n’est pas le fruit du hasard. Aucun intérêt, aucun effort sérieux n’ont été accordés à la question de l’ouverture et du renouvellement. Les manœuvriers ont toujours été préférés aux porteurs d’idées, qui ont fini par aller ailleurs, sur la vaste terre de Dieu !

Ceci dit, il faut relativiser les défaillances internes. Car ce qui se passe actuellement à l’USFP est révélateur d’un malaise politique beaucoup plus profond que ce que rapportent les descriptions superficielles auxquelles le public a droit en ce moment.

Les résultats des élections du 7 septembre avaient, par le score de l’USFP et par le taux d’abstention, annoncé les signes évidents de ce malaise.

En réalité, il y a un fossé énorme entre les acteurs politiques et la société marocaine. Un fossé rendu encore plus profond par l’indifférence, l’ignorance totale des véritables enjeux politiques. La politique aux yeux de tous, acteurs et citoyens, n’apparaît plus que comme un moyen de répartir des postes et des positions. Peu importent les contenus, les différences de visions, peu importent les compétences ou les projets, seuls comptent les résultats et la répartition des postes.

S’il est tout à fait naturel que l’élite soit minoritaire, la notre l’est encore plus qu’ailleurs tout en restant, dans sa majorité, cantonnée dans une attitude opportuniste favorisée par le contexte politique et la nature du pouvoir au Maroc. Le champ reste libre alors à des acteurs dont le niveau de formation, le background culturel, la moralité, l’autonomie économique laissent à désirer et ne prédisposent pas à l’action moderniste, ouverte et réellement progressiste.

Tout cela est exacerbé par l’absence de sanction judiciaire contre tous ceux qui ont utilisé les positions acquises par les responsabilités politiques pour s’enrichir et trahir la confiance des électeurs. Les cas Laafoura et Slimani, ou les invalidations de certains élus à la deuxième chambre, trop peu nombreux, n’ont jamais été perçus comme le début d’une action vigoureuse contre la corruption en politique. Tout simplement par ce que la justice n’est pas en mesure de faire son travail.

Pour revenir à l’USFP, cette crise devrait offrir l’occasion de mener une réforme courageuse qui rééquilibre en son sein les rapports de forces. Pour un renouveau qui évite la victoire de ceux qui ne veulent pas d’un grand parti où ils deviendraient petits et qui s’acharnent à rapetisser le parti où ils sont sûrs de rester grands.

Une illustration édifiante de la difficulté de la tâche est donnée par l’échec cuisant de l’initiative de « 2007 Daba ». Pour rappel, il s’est agi d’une ambition louable, partie d’un constat très simple (le Maroc change) pour chercher à concilier les citoyens et particulièrement les (nouvelles) élites avec la politique. Un pont à construire en somme entre deux mondes qui s’ignorent. Au service de cette ambition : des ténors de la société civile, des moyens financiers et techniques importants, une grande médiatisation et tous les attributs de la modernité et de la transparence. En fin de compte l’opération s’est terminée sur un gâchis lamentable ! Aucun des objectifs annoncés n’a été atteint. Pourtant, cette initiative ne cherchait pas à se substituer aux partis existants, elle se proposait même de les faire bénéficier des objectifs qu’elle s’est fixée.