La crise aux Etats-Unis: le débat

Mardi 10 février est une journée importante pour le président Obama et pour les Etats-Unis. Le Sénat finira en effet par se rallier au plan de stimulation de l’économie préparée par la nouvelle administration américaine. Lorsque l’on connaît l’importance de la santé économique des Etats-Unis pour le monde, on peut même ajouter que cette journée est décisive pour l’ensemble des pays.

La veille de ce vote déterminant qui a fait l’objet de tractations marathoniennes entre Démocrates et Républicains, le nouveau président a choisi de tenir une conférence de presse (lire article du Figaro) destinée à expliquer, convaincre, rassurer et montrer toute la fermeté que la situation impose. Mais le camp adverse ne désarme pas. Une page de publicité a été achetée dans les principaux journaux : Washington Post, New York Times et Wall Street Journal, sur laquelle de nombreux économistes déclarent, certes avec respect, leur désaccord avec le plan Obama et préconisent qu’en lieu et place de dépenses publiques il aurait mieux fallu alléger la pression fiscale et s’appuyer davantage sur le secteur privé et le marché. “Cela a été déjà fait et refait pendant des années, avec les résultats que l’on voit” leur a répondu indirectement le président dans sa conférence de presse.

Mais Obama ne doit pas seulement faire attention aux critiques venues du camp conservateur. Les économistes progressistes font aussi part de leurs inquiétudes, même de manière bien enveloppée et peu encline à ouvrir si tôt les hostilités avec le nouveau président.

C’est ainsi que dans l’enceinte de l’Université de Harvard, un débat a été organisé avec l’économiste Paul Krugman au moment même où se tenait la conférence de presse d’Obama, retransmise par les principaux médias. Face au lauréat du Nobel 2008 de l’économie, professeur à Princeton et éditorialiste du New York Times, se tenait une assistance avisée mais curieuse, formée d’un millier de personnes qui n’ont pu accéder à la paroisse où s’est tenue la rencontre qu’en s’acquittant d’un droit d’entrée de 5$ et en supportant le froid dans une longue queue.

L’assistance n’a pas été déçue. Krugman soutient la politique de stimulation menée par Obama, mais il considère que ce la risque de ne pas être suffisant, car le mal est profond et la dépression est installée pour une longue période, même si elle nest pas de la gravité de la précédente. Il appuie également les efforts qui seront faits dans les infrastructures mais regrette, sous les applaudissements d’un public acquis, que le système de santé n’ait pas fait l’objet de plus d’attention. Il connaît tous les membres de l’équipe économique d’Obama mais pense qu’elle aurait dû comporter davantage de progressistes. A un participant qui lui demandait que le plan Obama risquait d’alourdir la dette et nuire aux générations futures, il répond d’abord en disant que la dette publique n’est que de 45% du PIB à comparer avec les 110% de la précédente récession. Ensuite, il a réaffirmé que le risque de ne rien faire est encore plus grave que ce que l’on pourrait risquer en injectant tout cet argent. Quant aux générations futures, il vaut mieux d’après lui qu’elles héritent de la dette que d’un pays ruiné! Quant à la place des Etats-Unis dans le monde, Krugman n’a cessé de proclamer que son pays était riche et fort et qu’il n’avait rien à craindre: les européens? ils auront du mal à coordonner leurs politiques; les chinois? ils sont tellement liés à l’économie américaine et pour longtemps…

Réaffirmant une position fortement approuvée par l’assistance pour la régulation de l’économie, il a mis en cause la prépondérance prise par les financiers et prédit que la crise servirait à ramener la proportion dans le PIB de l’économie financière de 8% actuellement à 4% qu’elle représentait il y a quelques années.