Les petits murs

La situation à Gaza est catastrophique. Nous en sommes à plus de 700 morts en onze jours et rien n’indique qu’il y aura une quelconque amélioration dans les prochaines heures.

L’ONU et les autres médiations ne semblent pas aboutir: l’enfer va donc continuer pour des populations innocentes, impuissantes face à l’agression d’Israël.Voilà, ce billet peut s’arrêter là!Ma conscience est soulagée, j’ai fait mon devoir de solidarité comme tant d’autres bloggeurs. J’ai peut-être même fait plus: j’ai pétitionné, j’ai manifesté et versé des dons de soutien à la cause de Gaza.
Mais ma conscience n’est pas tranquille.
Dans la foulée de la manifestation de dimanche, une partie de l’élite marocaine va encore plus loin et demande le boycott des produits israeliens et refuse toute normalisation avec l’Etat agresseur.
Dans le monde arabe, devant les micros des télévisions du Golfe, libres et financièrement autonomes, comme chacun sait, défilent les protestataires, épuisant tous les dictionnaires, dans toutes les langues, de l’indignation et de la condamnation.
Si l’on remonte dans le temps, en 1948, en 1967, en 1973, les protestations avaient été au moins aussi nombreuses et même plus véhémentes.
Si l’on élargit le champ géographique, on peut constater que le peuple libyen, après avoir exprimé sa joie profonde au lancement d’une chaussure à la tête d’un chef d’Etat en fin de mission, manifeste sa colère contre l’agression sioniste. Beau geste de solidarité d’un peuple qui reste soumis durant 40 ans aux extravagances d’un leader indéboulonnable, vissé à ses barils de pétrole et vigilant sur la conduite des autorités suisses à l’égard de sa progéniture.Si l’on va plus loin, et si on a le temps de s’informer, on peut savoir que le même jour de l’agression israëlienne à Gaza, un kamikaze chïite s’est fait exploser dans un lieu sunnite en Irak faisant plus de cents morts innocents.
Après avoir rappelé tout cela et tout en exprimant de nouveau solidarité et chagrin, réels et sincères, à l’égard de la cause palestinienne qui ne trouve pas d’issue entre la corruption du Fatah soutenue par le pétrole du Golfe arabe d’un côté et le fanatisme du Hamas entretenu par le pétrole iranien de l’autre, revenons au Maroc.
Revenons donc pour nous interroger pourquoi est-ce que la solidarité et l’indignation sont-elles aussi sélectives.Il y a quelques semaines des dizaines d’ouvriers ont péri carbonisés dans une usine. Il y a quelques mois des dizaines d’innocents ont été tués dans la chutte de leur immeuble à Kénitra.

Hier encore, un plafond s’est écroulé dans une école de Nador provoquant la mort de deux écoliers. Avant-hier, le froid a tué un grand nombre de nos concitoyens dans des conditions lamentables. Chaque jour, des autocars se transforment en tombeaux pour les usagers.

Nos systèmes d’éducation et de santé sont défaillants, de l’aveu des responsables eux-mêmes.Où sont passés les pétitionnaires? les protestataires?Les manifestants? Les débats? Où est la justice? Où est l’action citoyenne? Est-ce dans ces conditions que nous pouvons rendre service à la cause palestinienne? Quand donc agirons-nous en interne pour être plus crédibles et mieux écoutés par les autres?
En attendant, comme on dit chez nous, il vaut mieux s’exrecer à sauter les petits murs…