Qui connaît Ougerd ? Non ? Aglagal ? Non ? Azrarag ? Non plus ?
Ougerd se trouve à moins de 20 km d’Agadir, de sa belle baie, de ses hôtels et ses plages. Mais elle n’est pas connue, ni reconnue. Cette localité montagnarde, surplombant Agadir, est la soeur de Tidsi, elle raconte la même histoire, d’une même époque.
Les saadiens, qui ont régné au Maroc de 1554 à 1636, ont entamé leur emprise à Tidsi, comme je l’ai déjà raconté dans un précédent article.
Cette dynastie a connu des débuts turbulents, ballotée qu’elle était entre les convoitises turques d’une part et portugaises de l’autre. A cela se sont ajoutés les conflits de succession internes. De cette période daterait l’enterrement de six saadiens dans la medersa d’Ouguerd.
Tout le monde connaît les tombeaux des saadiens, un des lieux les plus visités de Marrakech. Mais il existe aussi des tombeaux saadiens à Ouguerd.
Des travaux de rénovation sont menés par le Conseil régional, d’un montant de plus d’un million de dirhams. Lahcen le maçon, qui est aussi chargé du Adhan (appel à la prière) vient à ma rencontre. Tout fier, il me fait visiter les tombeaux, me montre le plafond refait à l’identique de l’original. Il me fait visiter la salle de prière, le mihrab déplacé, le lieu des ablutions, puis la medersa. Il me montre aussi les chambres rénovées pour héberger une trentaine de tolbas (étudiants). A ma question : Qu’est ce qu’ils étudient ? Lahcen répond : Le Coran. Je poursuis : pas d’autres matières ?
L’anglais par exemple ? Lahcen se retourne et ne répond pas.
Avant de me quitter Lahcen tient à préciser qu’une partie des travaux a été financée par un Mohsin (un bienfaiteur) de la région. Puis il me recommande, si je veux en savoir plus, de prendre contact avec l’historien en charge du projet qui s’appelle Afa. Afa ? Lequel ? Les deux, me répond-il. Belle surprise, je les connais tous les deux. Je ne pense pas avoir leur numéro de téléphone mais j’arriverai à l’avoir facilement. Nous avions milité ensemble dans le même parti et nous avons même mené de belles campagnes électorales en 1992 et 1997. L’un d’eux a d’ailleurs été professeur de ma femme au lycée. Je le trouverai facilement et j’aurai toutes les informations sur le projet, ce serait un grand plaisir pour moi de le retrouver.
Je reprends la route, goudronnée comme tant d’autres qui maintenant sillonnent toute la région. Paradoxalement, en désenclavant ces zones reculées, ces routes contribuent aussi à les vider de leur jeunesse.
En repassant le film dans ma tête, j’ai pensé à McKenzie Scott, cofondatrice avec son ex-mari Jeff Bezos de Amazone. McKenzie a récemment annoncé qu’elle venait de faire don de plus de 4 milliards de dollars à 384 organisations dont 36 universités. Un jour viendra où la medersa d’Ouguerd et bien d’autres bénéficieront de dons substantiels qui permettront de les moderniser.
Je continue ma route, tout doucement. Une pancarte indique une coopérative de miel financée par l’INDH. Je quitte mon chemin et je remonte vers le village indiqué du nom de Tabatkoukt. Au bout de quelques kilomètres, avec vues imprenables sur toutes les collines et vallées environnantes, j’arrive à une impasse. Je me gare. Des hommes viennent à mon accueil. Je demande pour le miel. Réponses évasives. Je m’éloigne. Quelques centaines de mètres plus loin, un homme sort d’une maison mieux construite que les autres. Je l’aborde. C’est Afa !