Il y a vingt cinq ans, un film et des idées !

Un mail de quelqu’un que je ne pensais plus revoir est tombé dans ma boîte e-mail.
Une belle surprise. Un ami s’est souvenu de moi. Cela fait plaisir. Plus que tout. Une relation qui ne se laisse pas abattre par le temps, qui résiste. Pascal, il s’appelle. Il était instituteur à l’école primaire de la mission française à Agadir. Nous jouions au tennis. Nous nous retrouvions en famille. Nos deux enfants étaient amis.

Moi, j’étais professeur de mathématiques à la faculté des sciences d’Agadir. Mais aussi militant politique. En 1992, il y a trente ans je croyais que le changement au Maroc passait par les élections. J’ai été battu dans des élections municipales où tout m’était favorable. Sur trois bureaux de vote, j’étais largement en tête dans deux d’entre eux. Mais dans le troisième j’avais obtenu 0 votes. 
Cette injustice ne m’a pas découragé. J’ai rassemblé des personnes que je croyais honnêtes et motivées et j’ai créé une association pour préparer le terrain. Pour gagner aux prochaines élections.

L’association Nadi Al Madina voit le jour en novembre 1992.  Le mail de Pascal me rappelait que nous avions, en avril 1997, réalisé une vidéo sur Agadir. Nous l’avions appelé Evolution d’une ville. A mon initiative, nous avons rédigé un script, repéré quelques points de la ville qui parlent de la vision que j’avais de cette ville. Puis nous sommes passés au tournage avec des moyens rudimentaires. A une époque où seuls les professionnels manipulaient les caméras et le montage et où l’intérêt n’était pas encore tourné vers les films. YouTube ne sera créé que bien plus tard, en février 2005 plus exactement.

En quatre ans et demi, l’association a accumulé les réalisations. Plusieurs numéros d’un magazine qui relatait les activités et ouvrait des pistes de réflexion. Plusieurs rencontres de débat et de réflexions. Et autres activités destinées à préparer une alternative pour la gestion d’une ville. Dans un des numéros de ce magazine, j’écrivais en mars 1995 un article sur la nécessaire reconversion de La Coupole, l’ancien marché de gros de la ville.

En avril 1997, l’association organisa ce que j’avais appelé Les Journées de la ville. Plusieurs personnalités étaient conviées à intervenir chacune de son point de vue. Le programme comprenait un dîner de clôture pour lequel la place était vendue à 250 Dh. C’était une habitude que nous avions prise, de financer nos activités par la vente de tickets d’entrée à des dîners-débat.

Une idée m’était venue d’ouvrir les rencontres d’avril 1997 par la projection d’une vidéo sur notre ville.

Plusieurs jours de travail avec mon ami Pascal ont abouti à ce documentaire de 19 minutes. Ce film se termine par le sourire d’un enfant qui avait cinq ans et jouait avec un cerf volant.
Juste avant ces images d’espoir était évoquée La Coupole comme possible espace socio-culturel.

Vingt cinq ans plus tard, la ville a évolué. Beaucoup de choses ont changé. Certaines dans le bon sens. D’autres dans le sens de la régression.

Rassemblerait-on aujourd’hui près de 300 personnes pour assister à un dîner-débat culturel en payant l’équivalent de 250 Dh de 1997 ?

En juin 2017, le roi nommait à Agadir un Wali féru de culture, passionné de lecture.

Je l’ai invité à visiter Connect Institute. 
Un institut d’accompagnement des jeunes. 
Situé dans un quartier urbanisé. 
Il a été montré dans le film projeté dans les rencontres d’avril 1997, comme une zone de bidonvilles et d’habitat insalubre. 
Un quartier maintenant urbanisé. 
Fruit d’un travail acharné mené avec le nouveau Wali. 
Il était directeur de la société en charge de l’aménagement de ce quartier et moi membre d’un cabinet ministériel.

Je lui parle bien évidemment de La Coupole.

Le temps passe, les idées résistent et nous interrogent. Encore plus lorsqu’elles sont documentées. 
Pour voir le jour, les idées ont besoin de volonté, de continuité, de connexions.