Feuilles d’automne (19, 20 et 21)

L’automne est là, avec son vent qui fait frémir et ses couleurs qui adoucissent les paysages. Et cette année, il sera introduit à l’écosystème Connect Institute par des feuilles particulières, pleines de vie et d’idées à méditer. Des feuilles qui vous feront goûter à la quintessence d’œuvres de poètes, d’écrivains ou encore d’intellectuels. Feuilles d’automne est le dernier écrit de Taha Balafrej, fondateur de Connect Institute. Au nombre de 21, vous en découvrirez chaque semaine 3 feuilles sur cette newsletter. Prenez de quoi noter, installez vous confortablement, et laissez vous emporter par les pérégrinations intellectuelles d’un esprit original, avec en toile de fond le développement de la jeunesse marocaine.


19 Technique. Contenu. Retournons au livre Le Rideau de Milan Kundera (né en 1929) :  « L’histoire de la technique dépend peu de l’homme et de sa liberté ; obéissant à sa propre logique, elle ne peut pas être différente de ce qu’elle a été ni de ce qu’elle sera ; en se sens-là, elle est inhumaine ; Si Edison n’avait pas inventé l’ampoule, un autre l’aurait inventée. Mais si Laurence Sterne n’avait pas eu l’idée folle d’écrire un roman sans aucune « story », personne ne l’aurait fait à sa place et l’histoire du roman ne serait pas celle que nous connaissons. » 

Laurence Sterne ? Oui, j’ai bien lu et écrit : Laurence Sterne. Et voici que me revient le souvenir d’avoir vu passer devant mes yeux la mention de cet auteur par Kundera dans un livre de Rushdie, mentionné feuille 15 : « the children of tristram Shandy, to use Kundera’s term—or the children of Quixote, or of Scheherazade— you will find them in every literature, in every place, in every time… They are everywhere, forming an alternative, joyous, carnivalesque “great tradition” to set alongside the realistic one. » Partout. Tout le temps. Laurence Sterne ? Lui qui a réussi à placer son roman Vie et Opinions de Tristram Shandy (écrit en 1767) parmi les 100 meilleurs romans de la littérature mondiale de tous les temps, parlait du trait de caractère d’un de ses personnages, un révérend, en guise de louange au Quichotte, Laurence Sterne écrit : « je le mets (trait de caractère) pour ma part au niveau des marques de vertu dont fit preuve l’inégalé Chevalier de la Manche, lequel m’est très cher, soit dit en passant. »

20 Rushdie. Encore un amoureux de Quichotte. Intrigué par le titre sur l’étal de la libraire  Shakespeare and Company à Paris, je l’achète et l’oublie dans mes étagères chez moi à Agadir. Je le retrouve un jour par hasard et j’en entame la lecture jusqu’à la fin presque d’un trait. Rushdie a réussi l’exploit de réécrire le roman de l’espagnol Cervantès à sa manière en le plaçant dans l’Amérique d’aujourd’hui avec des personnages presque tous originaires d’Inde. Un de ses personnages est écrivain. Le narrateur en parle ainsi : « He talked about wanting to take on the destructive, mind-numbing junk culture of his time just as Cervantes had gone to war with the junk culture of his own age. » Junk culture ? Culture dégueulasse ! Oui, osons le mot.

Je reviens à Sterne (1713-1768) et son livre délicieux, que je n’ai pas encore fini. Je retiens avec plaisir cette leçon que le narrateur inflige à une dame sur comment elle doit pratiquer la lecture : « Je ne voulais que combattre le goût malsain qui s’est insinué dans son esprit et dans mille autres et qui les porte à lire tout d’un trait en se souciant davantage d’une péripétie que du savoir et de l’érudition profonde qu’un livre de ce genre, lu comme il le faudrait, leur ferait nécessairement acquérir. L’esprit devrait être accoutumé à faire en chemin de sages réflexions et de déductions curieuses. » 
Chaque livre recèle des trésors pour l’esprit, des outils pour la compréhension de ce que l’on fait ou ce que l’on veut faire. C’est l’exercice auquel je me suis livré avec l’envie de donner envie.

21 Chez un peintre Japonais, Sengai Gibon, j’avais trouvé la signification du logo de Connect Institute : L’Univers sous forme de trois formes géométriques. Cette trouvaille est décrite dans mon livre Héritages qui va bientôt sortir aux éditions Connect Isdarat.  

Et voilà que je trouve chez un autre Japonais de quoi terminer ce passage en revue, en 21 feuilles, de quelques unes de mes lectures durant cet été 2021. 
Quelqu’un peut-être un jour se souviendra de tout cela et dira comme un personnage de Haruki Murakami dans La fin des temps, déjà rencontré dans les feuilles 4, 7, 9, 14 et 15 : « Grand-père est peut-être difficile, capricieux et misanthrope, mais en fait c’est quelqu’un de bien. »